Paul Amsellem est l'invité d'honneur de Francebourse.com
JDH a sollicité une interview afin que le PDG de Sirius Media puisse s'exprimer à destination d'un public d'investisseurs individuels, très férus de small caps. Cela après une chute spectaculaire du titre Sirius.
– Monsieur Amsellem, bonjour. J’ai découvert votre action suite à la publication d’un dossier sur les penny-stocks au mois de mai. Depuis, le titre Sirius Media a été divisé par 20 ! Arrivant aujourd’hui à une capitalisation de 1,3M€. Je sais bien qu’un dirigeant d’entreprise n’a pas vocation à commenter le cours de Bourse de son action, mais sans le commenter, qu’est-ce que cela vous inspire comme sentiment ?
PA : Bonjour à vous. J’ai beaucoup de frustration en ce moment car nous travaillons d’arrache-pied afin d’arriver à positionner le groupe sur un secteur en croissance, avec un catalogue historique très fort et des produits en développement qui sont incroyables. Je vous rappelle que nous avons une société commune au sein du groupe avec Marc Levy, auteur français qui vend le plus de livres dans le monde et dont nous adaptions les œuvres. La Bourse, et je peux le comprendre, a tout misé sur le succès commercial de Zak & Wowo, c’est sans doute ma faute car j’adore le film, j’en ai beaucoup parlé et les business plans que l’équipe de direction m’a présentés étaient à l’époque extrêmement positifs… trop sans doute… Sorti une semaine après Vice-Versa, qui a réalisé un succès immense au box-office, le film n’a pas fonctionné, il a été totalement écrasé par la concurrence. Le timing était mauvais, le marketing léger. Depuis, nous avons changé l’organisation de la société, j’ai repris les commandes directement de Sirius Media Production, Robert Kopple a rejoint le board de Sirius Media Production afin de m’aider ; c’est un entrepreneur incroyable et très solide, et je restructure la dette, réduis les coûts et accélère le développement du groupe. Je tiens à rappeler que nous avons fait, en 2023, 26,9M de revenus, 15M d’EBE, 4,1M de résultat d’exploitation avec des capitaux propres de 11,2M, ce n’est pas rien, y compris dans notre industrie, être valorisé 1,3M ne fait pas sens. Je me permets d’ajouter que notre filiale Sirius Media Production avait besoin de cash début janvier 2024 et que mon partenaire Robert Kopple et moi-même avons injecté plus de 2,5M pour soutenir l’activité. Cela n’a pas été suffisant, car le modèle de financement de Zak & Wowo a été extrêmement mal pensé et opéré ; en réalité, dans l’industrie du cinéma, personne ne finance les films sur ses fonds propres, mais au travers de coproducteurs, d’accords de distribution avec les chaînes, et les pays. Dans le cas de Zak & Wowo, la direction a fait le choix de le faire sur fonds propres et d’attendre les résultats de la sortie, et quand la sortie n’est pas à la hauteur des attentes, cela fait prendre un risque important pour l’activité. Afin d’éviter ce risque, nous avons aussi choisi de faire des obligations convertibles, qui font peur en général ; sachez qu’en tant que premiers et seconds actionnaires de Sirius Media, Robert et moi sommes les premiers impactés. Bien évidemment, l’année 2024 sera une année de transition, et je ne m’attends pas à des résultats exceptionnels, mais nos plans pour 2025 sont bons et devraient nous permettre de retrouver une nouvelle trajectoire de croissance. Pour ne rien vous cacher, bien que travaillant sur le repositionnement du groupe, je continue à regarder à la fois des cibles d’acquisition, mais aussi des rapprochements industriels, car nous sommes très sollicités actuellement. Entre le lancement raté, les besoins de financement largement sous-estimés par la société, la mauvaise compréhension des obligations convertibles, des articles de presse très mauvais sur l’ancienne direction, nous avons cumulé tous les problèmes. Je tiens à souligner qu’un film d’animation a une vie non seulement en France mais aussi à l’étranger, à la TV et sur les plateformes, donc les revenus vont forcément venir et le pipe de production est très encourageant super fort, avec en particulier l’adaptation d’un nouveau livre de Marc Levy, Le Petit Voleur d’Ombres, pour 2025. Je prends la crise de 2024 comme une opportunité de rebondir, j’ai eu la chance dans ma carrière de monter des sociétés, d’en introduire en Bourse, d’en céder mais aussi d’avoir à en réorganiser, donc cela ne me fait pas peur, au contraire, je pense juste qu’il faut savoir être patient, et que cela paiera pour les actionnaires qui sauront comprendre notre évolution et notre modèle de développement.
– Pouvez-vous nous présenter votre parcours personnel à Sirius Media, ex-Metadvertise ?
PA : Après avoir créé et cédé deux sociétés dans le domaine des technologies marketing et mobile, mais aussi après avoir été Directeur Général de Nokia en France, j’ai créé Metadvertise il y a 12 ans, nous étions le leader français de la publicité mobile avec des bureaux à Berlin, Milan et Paris. En 2022, j’ai décidé au sortir du Covid de céder les activités mobiles au groupe Azerion, car la croissance du secteur n’était plus au rendez-vous et la concurrence des gros acteurs devenait trop forte. Pour rappel, j’ai fait le deal seul en cédant pour plus de 11M la société qui faisait à l’époque 500K€ max d’EBITDA, ce qui n’est pas un mauvais deal. Ensuite, j’ai regardé le deal Triple A qui m’a été présenté par Park Capital, déjà actionnaire de Metadvertise et propriétaire de la société Triple A ; le secteur m’a plu, la dynamique aussi, ainsi que le catalogue, et nous avons pris 51 % de Triple A en décembre 2022. 2023 s’est passée plutôt tranquillement, ayant un regard de board member sur une société opérée par une équipe de management qui certes n’avait pas l’expérience du secteur mais semblait bien mener son projet. Or, début 2024, les difficultés sont arrivées, avec des décalages répétés de la sortie de Zak & Wowo sur lequel j’avais communiqué, un marché qui se tendait, et surtout un manque de lucidité et d’expertise du management qui a conduit à son remplacement. Bref, les quelques derniers mois ont été très durs pour moi, car il a fallu remonter sur le ring, se retrousser les manches afin de stabiliser la société.
– Aujourd’hui, Sirius se targue d’un beau catalogue. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce catalogue et sur les partenariats que vous avez noués, en particulier avec Canal + ?
PA : Nous avons un catalogue très large avec plus de 600H de programmes, de Franck Riva avec Alain Delon, en passant par des Commissaire Moulin, ou encore Zoé et Milo, ou L’amour presque parfait qui était top 5 sur Netflix, nous avons un véritable savoir-faire de production. Nous travaillons avec tous les diffuseurs en France et en Europe.
– Le cours de Bourse est plombé par les OCA. Je déconseille en général toutes les sociétés qui recourent à ces instruments. Cela dit, il ne faut pas être borné et il faut voir les nuances qui existent entre ces entreprises. Quel est selon vous le potentiel de dilution restant avec les OCA qui restent à convertir ?
PA : 60 % des OCA ont été converties à date et entre nous, cela ne veut pas dire grand-chose, car si vous prenez tous les multiples du secteur, les sociétés se vendent ou se valorisent entre 6 et 8 fois l’EBE, donc discuter de dilution quand le cours est à 1,3M ne fait pas sens. Même si vous avez encore 200 % de dilution, le deal reste très bon.
– Dans combien de temps pensez-vous que tout aura été converti ?
PA : Je ne maîtrise pas le timing, mais en fonction des annonces de la société, du volume, cela devrait être assez rapide. Après, nous avons encore des enjeux financiers donc nous étudions toutes les possibilités de financement, bien entendu je préfèrerai faire de la dette que des OCA.
– D’après mes observations, ce sont essentiellement des actionnaires individuels, dits petits porteurs, qui animent le flottant chaque jour en Bourse. Ces derniers sont obsédés par l’échec du film d’animation Zak & Wowo. Cet échec est-il susceptible de couler Sirius ?
PA : Impacter, faire mal, oui sans aucun doute, c’est déjà le cas. Mais penser qu’une société qui a plus de 25 ans va couler à cause de cela, je ne le pense pas. Le board de Sirius Media s’est engagé à soutenir l’entreprise ; maintenant, nous ne sommes pas à l’abri, comme toute société, de facteurs exogènes, donc restons prudents, mais entre nous, je vois beaucoup plus une remontée qu’un échec.
– Étant aussi éditeur de livres via la marque JDH Éditions, je connais très bien le principe aléatoire des succès des produits culturels et de divertissement. Une fois l’échec constaté, il faut passer à autre chose et voir l’avenir. Justement, dans les mois qui viennent, quels sont les films sur lesquels vous espérez du succès ?
PA : Nous partageons les mêmes problématiques. Nous avons Zak & Wowo à continuer à commercialiser, Le Petit Voleur d’Ombres à sortir, et nous avons au moins 8 à 10 productions en développement, pour certaines ce n’est que la suite logique de leur succès passé… Je ne peux pas vous en dire plus, mais 2025 et 2026 devraient être de belles années. Notre problème principal sur Zak & Wowo n’est pas le film en tant que tel, mais la structuration financière initiale complètement aberrante et le pilotage du projet sans aucune expertise ; heureusement, tout cela a changé. Je peux vous dire que Robert Kopple qui connaît bien l’industrie du cinéma, vivant à Los Angeles, a été le moteur à mes côtés de la transformation du groupe, et je tiens à le remercier.
– Comment imaginez-vous Sirius dans 3 ans ?
PA : Sirius dans 3 ans aura plusieurs divisions, j’aime beaucoup le merchandising et j’espère que nous allons pouvoir regarder cette verticale complémentaire à la production, nous allons sans doute accélérer la distribution car l’échec de la distribution de Zak & Wowo en France m’a fait beaucoup réfléchir, enfin je pense que nous allons aussi acquérir d’autres sociétés de production, voire se rapprocher d’acteurs qui ont les mêmes ambitions que nous.
– À titre personnel, quel est l’entrepreneur que vous admirez le plus ?
PA : Cela va vous paraître assez dingue, mais j’adore mon partenaire Robert Kopple qui, venant d’une famille défavorisée de la banlieue de Chicago, est devenu avocat, s’est installé à Los Angeles et a monté un empire diversifié tout en gardant son cabinet d’avocat. Je l’aime car à chaque appel que je passe avec lui, et nous nous parlons très très souvent, il s’excuse de ne pas parler français, me demande des nouvelles de ma famille et surtout ce qu’il peut faire pour moi, et quand nos discussions s’enveniment, il me rappelle systématiquement après en me demandant s’il n’a pas été trop dur avec moi. Robert est juste incroyable, il peut arrêter de travailler sans problème mais continue car il aime profondément le business, les gens. Il aime la France et y passe une grosse partie de son temps. Il a quelques belles voitures mais sa préférée est sa Smart.
Merci beaucoup, et souhaitons le meilleur à Sirius Media !
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